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Le negative split

C’est bien connu, chaque sport à ses codes et son jargon. La course à pied n’y échappe pas. Et ainsi, dans le dialecte du runner, avez-vous déjà entendu parler de « Negative Split » ? Et si oui, cette méthode, est-elle aussi systématiquement payante qu’en veut les croyances ?

Par Jean-François TATARD - Photos Jeff 

LE NEGATIVE SPLIT

Par définition, le Negative Split consiste à courir la seconde partie de course plus vite que la première. Facile, non ?

PAS SI SIMPLE !

Courir en Negative Split est loin d’être évident. Pourquoi ? Parce qu’il faut tenir compte que lorsque vous prenez le départ d’une course, vous partez avec une provision d’énergie qui s’épuise au fil des kilomètres. Ainsi, gérer la fatigue en se disant que la course ne commence pas avant la mi-course nécessite de partir plus doucement que ce que vous permettent vos capacités et donc que potentiellement vous auriez pu faire mieux. La question est donc de savoir ce à quoi vous aspirez ? La perf, le Negative split, les deux ou encore autre chose ?

À LA RECHERCHE D’UNE PERFORMANCE 

Partir lentement et accélérer : tout le monde qui est un peu entraîné sait le faire ! Mais est-ce que cette technique permet d’optimiser votre performance à son maximum ? Et bien pas forcément ! Lorsqu’on s’intéresse aux différents records, on se rend en effet compte que le Negative split n’est pas systématique. Et si, en signant récemment un extraordinaire 2h00’35’’ au marathon à Chicago, le kenyan Kevin KIPTUM a battu le record du monde de la distance en courant effectivement la deuxième partie plus vite (son meilleur segment de 10 kilomètres a été effectué entre le 30è et le 40è en 27’51’’), on se rend compte qu’à part celui de Dennis Kimetto à Berlin en 2014 (Chrono en 2h02’57’’), quasiment tous les autres ont tous été battu en positiv split. 

UNE EXPLICATION ?

Dans cette course de précision, tout est affaire de fatigue et de récupération. En effet, le plus difficile sur marathon est la répartition des efforts sur la durée. Si on s’intéresse à la course de KIPTUM en octobre dernier à Chicago lors de son record du monde, on se rend compte qu’il a couru les deux tiers de la course sous sa vitesse moyenne. Sous-entendu « en récupérant ». Pourtant s’il avait couru à vitesse constante, il ne se serait accordé aucun répit. Cela aurait donc voulu dire qu’il aurait accentué sa fatigue. Comme si une allure à un rythme sinusoïdal permettait d’optimiser la performance et de récupérer de la fatigue. 

LES TRAVAUX DE MAÎTRE VERONIQUE BILLAT

L’équipe de chercheurs de Veronique Billat, nous offrent ses modèles mathématiques qu’ils ont développés avec Jean-Renaud Pycke, lui-même maître de conférences à l'université D'Evry. L’étude montre justement ce rythme de course sinusoïdal dont on vous parle et qui permet de mettre de l’énergie de côté. Ainsi, « En accélérant le rythme respiratoire s'accélère pour alimenter les muscles » affirme la chercheuse. Ce qui voudrait dire qu’une décélération lente permet de maintenir le rythme respiratoire alors que les muscles seront moins sollicités. L'organisme rembourse en quelque sorte sa dette énergétique. Il faut imaginer que le corps humain fonctionne comme un moteur hybride. Pour optimiser la vitesse moyenne sur une longue distance, il faut donc partir vite pour lancer le moteur qui permet ensuite de maintenir à un haut niveau une alternance accélération / décélération.

« DÉMYSTIFIONS LE MYTHE ! »

On parle du marathon, mais sur des distances inférieures, partir à une allure plus élevée que l’allure moyenne visée (positive split). Sous-entendu prendre de l’avance et anticiper une baisse du rythme sur la fin peut finalement être la meilleure tactique de course. Observez le « 800 », en athlétisme, c’est systématique, pour une « course à la perf » : ça finit toujours moins vite que cela est parti ! Les études de Veronique BILLAT vont dans ce sens. En effet, Veronique BILLAT nous démontre qu’un départ rapide s’accompagne le plus souvent d’une meilleure performance. En revanche, pour les distances supérieures (marathon et au-delà), rien ne vaut une allure de course la plus régulière possible. On appellera ça l’equal split. 

MAIS ALORS POURQUOI LE « NEGATIVE SPLIT » ? 

Si on s’en tient aux différents arguments que nous venons d’avancer, le « Negative split » n’est donc pas synonyme de performance. En revanche, il présente un autre bénéfice. En effet, en courant plus rapidement la deuxième moitié de course, vous vous assurez la possibilité de « ramasser les morts ». Sous-entendu de passer votre deuxième partie de course à doubler ceux qui sont partis trop vite. L’impact sur le moral et le mental est considérable. Votre côté reptilien ressurgit. Vous vous nourrissez de la détresse de vos « adversaires ». Vous vous retrouverez dans une situation de confiance qui galvanise. Et c’est peut-être plus ça la raison qui va vous pousser à vous transcender et de finir en boulet de canon.