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Jeff Tatard : courir sur tapis, bonne ou mauvaise idée ?

Courir sur tapis : bonne ou mauvaise idée ?


En hiver, il est parfois difficile pour nous runners, de trouver le courage d’aller braver la nuit, le froid et/ou la pluie. La solution du tapis en salle semble une réponse toute faite à cette contrainte de saison. Pourtant s’opposent les plus loyaux partisans aux adversaires les plus austères. Alors, existe-t-il une autre solution ? Ou doit-on réellement choisir ? Pour ou contre la course sur tapis ? Quels bénéfices ? Quelles contraintes ? Quels risques ? Quelles opportunités ?

Par Jean-François TATARD

POURQUOI LE CHOIX DU TAPIS ?

Je suis allé me renseigner. Et j’ai ainsi demandé à plusieurs coureurs visiblement expérimentés, pourquoi étaient-ils en train de courir sur un tapis alors que la discipline était faite pour se réaliser au grand air. La plupart du temps, les gens admettent que c’est ennuyeux mais en contrepartie, le tapis leur permet d’éviter les difficultés de circulation en ville, les trottoirs occupés prioritairement par les piétons, ou les pistes cyclables par les vélos, mais aussi le manque d’éclairage en hiver, et bien sûr les intempéries ou toutes les autres contraintes de météo. Plusieurs filles m’ont même avoué que cela répondait aussi à des problèmes potentiels d’insécurité… La plupart me disaient aussi que la gestuelle ne leur semblait pas se dégrader et que les sollicitations cardio-respiratoires étaient identiques. Que la facilité de contrôle de vitesse leur permet aussi de travailler la régularité. Et que l’atterrissage en douceur du pied sur ce sol mou les préservait des traumatismes articulaires ou tendineux. Mais qu’en est-il réellement ?

SPÉCIFICITÉS REQUISES

La course sur tapis consiste à courir sur une bande déroulante qui défile sous les pieds. La première fois, c’est assez déstabilisant. Cela nécessite un temps d’adaptation. Ce type de travail est assez particulier en ce sens que « il modifie le recrutement habituel des muscles » m’explique le coach José Lopez.

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Le fait qu’il y ait une absence de progression horizontale induit une obligation de ramener le pied plus rapidement vers le tapis. Par voie de conséquence : « la phase de propulsion disparaît » rajoute coach Marc Lozano. Et ce n’est pas sans conséquence puisque les muscles ischios jambiers ne sont quasiment plus utilisés et en compensation, c’est les psoas qui récupère le boulot.

ET AU NIVEAU ÉNERGÉTIQUE ?

C’est de la science physique : L’absence de résistance du vent diminue la dépense énergétique du coureur à vitesse équivalente. Alors, une coutume veut qu’on incline le tapis de 1% pour reproduire cette forme de résistance naturelle. Mais personnellement, je ne retrouve toujours pas une sensation comparable. Néanmoins, ce qui est vrai, c’est que le fait d’évoluer dans un espace fermé fait significativement monter la température du corps, ainsi que la fréquence cardiaque et en conséquence la dépense énergétique.

LES AVANTAGES ?

La course sur tapis a tout de même de nombreux avantages : surface au sol stable et sèche, amortissante également, peu voir pas traumatisante, pas de phénomène réel de résistance au vent, pas de problème de conditions météorologiques défavorables (pluie et froid), pas de problème de course dans le noir non plus. On peut avoir sa bouteille d’eau à disposition,... Et l’apprentissage de la course sur tapis est facile et accessible. Mais est-ce tellement fait pour s’entraîner ou alors juste pour nous dépanner ?

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CONTRAINTES ?

Si on pèse le poids des bénéfices et des contraintes, j’ai peur que la balance bascule du côté des contraintes. En effet, elles sont nombreuses : au-delà de la pénibilité et du caractère ennuyeux de courir sur place avec le même tableau, il y a une augmentation plus rapide de la température corporelle, une sudation excessive et une déshydratation fréquente qui va générer à court terme des blessures (tendinite d’Achille par exemple) évitables si vous aviez couru dehors.

De la même façon, le coût énergétique est plus élevé. Et pourtant, musculairement, vous ne ferez pas le job correctement comme le spécifie Marc Lozano. Le travail gestuel n’est absolument pas naturel. Les ischios sont à l’économie totale alors que c’est ce qui fait qu’un coureur est bon pour la course. On ne le voit pas immédiatement, mais Jose Lopez affirme que le psoas est en contrepartie plus sollicité ce qui, à terme, génère un déséquilibre postural à trop fréquenter ce « moyen de replis ». On perd également ses perceptions. Celle qui vous donne intuitivement la vraie bonne allure. Celle que le coach José Lopez appelle « le flow » ou Marc Lozano la PSE (la perception subjective de l’effort). On perd ainsi de nos sens et on s’éloigne de nos sensations et du bon feeling.

ET ENFIN POUR RÉPONDRE A LA QUESTION DE DÉPART...

L’entraînement sur tapis est une alternative intéressante mais uniquement lorsque les conditions météo ne sont pas réunies. Dans le cas contraire, il est préférable de pratiquer l’entraînement sur tapis en simple complément et avec parcimonie. Ainsi, si on ne peut pas faire autrement, on retiendra peut-être que cette préconisation, d’incliner le tapis est éventuellement une bonne idée mais que de toutes les façons, ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que le tapis n’est qu’une simulation très inexacte de la course en extérieur. Que si vous aspirez à la performance, ou en tous les cas à vous améliorer et que la vraie course à pied est votre seul vrai objectif, alors faites du tapis un usage le plus occasionnel possible. Auquel cas, faites-en à allure régulière (65-70% VMA) et à durée variable pour peu qu’on ne se lasse pas trop vite de l’exercice. Faites provisoirement une séance au seuil de type 3x8 min à 80-85% de la VMA et évitez surtout les rythmes brutaux telles que les séances de VMA courtes. Le fractionné court est en effet difficile, voire impossible à pratiquer sur tapis. Les accélérations et décélérations doivent se faire en douceur sous peine de risquer quelques vols planés !

POUR CONCLURE

Rien ne vaut le plaisir et l’efficacité des séances faites au grand air. Mettez une veste imperméable s’il pleut, épaississez les couches s’il fait froid, investissez dans une frontale s’il fait sombre, mais surtout : Ouvrez les yeux & respirez… C’est dehors que cela se passe !